M. Consensus est ce que l’on pourrait appeler un influenceur : un avis sur tout, toujours du côté du plus grand nombre, sur le devant de la scène, proche des autorités publiques dont il reprend souvent le langage, guide spirituel de la presse financière et bien sûr ami fidèle du marketing guy avec lequel il partage un goût prononcé pour le prêt-à-penser.

Nous profitons de son passage sur vos écrans, dans vos journaux ou entre les lignes de vos recherches financières préférées pour imaginer cet entretien fictif.

Une manière peu usuelle de commenter l’actualité financière du moment: tensions sociales, guerre commerciale, croissance ou encore volatilité des marchés sont toutes au menu de ce billet décalé. 

 

 

Nous trouvons M. Consensus un peu perplexe, le nez dans sa tablette entre dépêches, nouvelles du monde et cotations financières américaines. Bienvenue, échange de politesses et expresso deux sucres : son visage se fait jovial au moment d’aborder le jeu des questions-réponses. A l’évidence, c’est un exercice qu’il affectionne particulièrement.

 

  • M. Consensus, vous parlez de ‘contamination de marchés’ lorsque vous évoquez les craintes d’une guerre commerciale entre les Etats-Unis et le reste du monde. Ne pensez-vous pas que les marchés étaient déjà contaminés bien avant l’investiture de ce gouvernement ? A l’instar d’autres pays, le ver du protectionnisme n’était-il pas déjà dans la pomme ?

 

Les marchés ont absolument tout pour réussir : sortie de crise, croissance synchronisée, conditions monétaires accommodantes, retour de l’emploi, de la productivité, de l’inflation, hausse graduelle des taux d’intérêt, stabilité bancaire et financière. Alors en effet, les politiques populistes qui prônent le protectionnisme jettent une ombre négative sur le travail exemplaire des politiques économiques menées ces dernières années. Il me semble évident qu’elles créent de l’incertitude dans les marchés malgré toutes ces bonnes nouvelles économiques. Bien sûr, on aurait tous souhaité que le croissance se matérialise plus rapidement  …

  • Justement, ne pensez-vous pas que les politiques économiques que vous évoquez, ou plutôt leurs conséquences, ont attisé les réflexes protectionnistes en lieu et place de les atténuer: croissance atone, précarité de l’emploi, concentration de la richesse, rentes inexistantes, déficit des systèmes de pension, répression financière, effet tour d’ivoire, absence de consultation … ?

 

Je ne le pense pas. Les résultats obtenus servent le plus grand nombre, même si le plus grand nombre ne s’en rend pas totalement compte. Il y a toujours des progrès à faire, comme par exemple mieux distribuer les fruits de la croissance ou la rendre plus inclusive. Comme je vous le disais il y a toutes les raisons de rester positif et confiant, mais il faut laisser du temps au temps.

 

  • Pour revenir à la guerre commerciale, M. Trump ne se contente-t-il pas en définitive de tenir ses promesses électorales ? Faut-il réellement empêcher un gouvernement élu démocratiquement de mener les politiques choisies par la majorité de ses électeurs ? En cherchant à s’y opposer, ne verriez-vous pas justement un motif supplémentaire de contestation ?

 

Bien sûr, en tant que personne de consensus j’ai beaucoup de respect pour la démocratie et tout ce qu’elle représente. C’est vraiment important. Même dans le meilleur Etat de droit cependant, la démocratie a probablement ses propres limites et contraintes.

 

  • Vous avez récemment qualifié le pic de volatilité du mois passé de, je vous cite: ‘purement technique’. Qu’en est-il aujourd’hui ?

 

La correction boursière était saine dans la mesure où la hausse des taux dont elle a souffert est liée à la reprise économique. En fait les marchés n’ont fait qu’intégrer ce nouvel environnement. Le mouvement de panique technique auquel on a assisté était lié à des programmes de vente automatiques et à des produits de volatilité. La situation actuelle est différente. Elle est liée à l’incertitude politique de la maison blanche, d’une part, et au spectre d’une guerre commerciale, d’autre part.

 

  • Certains affirment qu’au moment de la correction boursière, les attentes d’inflation pointaient déjà vers le bas. La cause des turbulences de ce premier trimestre n’est-elle pas plus fondamentale qu’il n’y paraît ? N’auriez-vous pas simplement surestimé les effets du paquet fiscal américain et la force de la reprise mondiale ?

 

Tous les indicateurs avancés le démontrent : la croissance est robuste, large, synchrone, vertueuse et porteuse d’investissements. Je ne vois pas en quoi ces épisodes de volatilité pourraient refléter un ralentissement réel. Le système économique est beaucoup plus sain qu’il ne l’était il y a 10 ans, les banques centrales ont démontré qu’elles savent intervenir et, hormis des tensions politiques ou géopolitiques, l’environnement reste très favorable. 

 

  • Une dernière question M. Consensus, plus personnelle : en matière d’investissement, le consensus, c’est plutôt un art de vivre ou une stratégie de survie ?

[Il sourit alors que son deuxième café lui accorde quelques secondes de réflexion]
Un peu des deux sans doute. Je dirais que c’est à la fois une raison d’être et un Etre de raison.

 

 

– 2.1%. Nous quittons M. Consensus comme nous l’avons trouvé: le nez rivé sur la clôture de Wall Street, à l’affût des commentaires de Bloomberg et Reuters, une liste d’arguments sous la main. L’heure est tendue suite aux turbulences boursières de ce début d’année.

M. Consensus le sait, dès lundi il sera passablement sollicité.  

 

Jacques Raemy

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