Voici la version française du post “Regime shift, systemic convergence and financial stability”.
Le régime monétaire mis en place ces dernières années montre des signes de fatigue. Le rapport coût/bénéfice des politiques publiques s’est en effet inversé. Il pourrait accélérer la correction actuelle des actifs financiers et réduire le décalage de valorisation dont ils ont jusque-là bénéficié. Livrés à eux-mêmes, les marchés redécouvrent le goût du risque.

 

Dans nos dernières prises de position, nous estimions que la succession d’événements survenus tout au long de l’année 2015 relevait d’une logique commune : un long et douloureux processus de normalisation des conditions macro-financières, que nous avions alors qualifié de ‘retour aux fondamentaux’. A n’en pas douter, le dernier trimestre de l’année 2015, tout comme les premières heures de l’année 2016, indiquent une accélération importante de ce processus. Nous pensons qu’un changement de régime fondamental est en cours de réalisation.

Ce changement relève autant de la sphère monétaire que réelle et publique. Même si ses symptômes externes sont relativement aisés à appréhender – baisse du prix du pétrole, chute des devises émergentes, révisions de croissance, tensions publiques et hausse de la volatilité financière – ses rouages internes restent à nos yeux largement sous-estimés. Ils plaident pourtant pour une attitude fondamentalement conservatrice. Comme dans toute période de transition, une bataille féroce semble s’engager entre les partisans des deux régimes. Elle pèse de tout son poids sur des marchés financiers habitués aux largesses des banques centrales. De fait, les marchés redécouvrent subitement la notion du risque. Plus fondamentalement, c’est le propos de cette note, ils recouvrent une fonction presque oubliée depuis la crise financière : la valorisation du risque économique.

Un rapide retour sur quelques événements saillants de l’année écoulée s’impose : en janvier, la banque nationale suisse abandonnait son taux plancher contre l’euro. Presque instantanément, cette décision générait un pic de volatilité spectaculaire. Au mois d’août, la banque centrale chinoise dévaluait successivement sa devise précipitant une correction boursière d’ampleur ainsi qu’une chute des devises émergentes. Au mois de septembre, alors que la première hausse de taux semblait enfin ‘à portée d’annonce’, la banque centrale américaine mentionnait des ‘développements internationaux’ l’incitant à reporter sa décision de manière ‘transitoire’. Enfin au mois de décembre, la Fed décidait finalement de rompre sa politique de taux zéro au risque de freiner une économie affaiblie par les développements émergents.

Certains ne verront qu’une suite de réactions disparates et décalées derrière ces événements. Nous percevons au contraire une logique de normalisation qui, de notre point de vue, ne fait que prendre de l’ampleur. Elle a lieu alors qu’il devient de plus en plus manifeste que les politiques publiques mises en œuvre depuis la crise financière ne parviennent pas à produire les effets escomptés. Bien au contraire, nous pensons que le dénominateur commun de ces événements prend la forme de nouveaux risques systémiques que les politiques publiques font peser sur les économies concernées. Le ratio ‘coûts-bénéfices’, pour reprendre un terme que les banquiers centraux évoquent eux-mêmes comme métrique de contrôle, n’a cessé de se dégrader (le concept du ‘check and balance’ fonctionne d’ailleurs d’autant mieux qu’il est indépendant et objectif …). Dans le cas de la Suisse, les sommes nécessaires au maintien du taux plancher prenaient des proportions inacceptables, fractions entières de la capacité économique de ce pays. Dans le cas de la Chine, l’inadéquation entre un régime de taux de changes fixe, la faiblesse de la croissance et des flux de capitaux spectaculaires ont eu raison de la force du Yuan. Dans le cas des Etats-Unis, c’est notre hypothèse, ce changement brutal de polarisation des flux de capitaux émergents bouleverse la marge de manœuvre monétaire de la Fed en interférant sur la croissance domestique. Dans tous les cas, la capacité réelle des économies concernées, ou plus exactement sa faiblesse, refait surface.

Avec vengeance.

Les banques centrales subissent un rappel à l’ordre systémique qui les force à ré-envisager les contours de leurs politiques monétaires. Au moment où les marchés fondent leurs espoirs sur de nouvelles largesses de la part des banques centrales européenne ou encore japonaise, nous nous attendons au contraire à une normalisation forcée de leurs politiques non-conventionnelles. Nous le disions en introduction, deux régimes s’opposent : l’un monétaire, résolument public et interventionniste, garant apparent d’une hausse sans risque des actifs financiers sous l’œil rassurant des banques centrales, l’autre fondamental, têtu, aussi lent que puissant, reflet de la capacité réelle des économies concernées.

Aux ‘divergences de politiques publiques’ sur lesquels les marchés financiers fondent leurs espoirs s’oppose donc une ‘convergence systémique’ dont le principal moteur n’est autre que la stabilité financière.

L’impact de cette guerre de tranchées sur les marchés financiers s’est accéléré ces derniers mois, qu’il s’agisse du « Frankenschock » de la BNS, des turbulences chinoises de l’été, de la décision de la Fed du mois de décembre ou, si l’on remonte plus loin dans le script, du ‘taper tantrum’, de la crise souveraine européenne et bien-sûr de la crise financière.

Aux excès de dette, de crédit et de capitaux faciles dont les marchés raffolent s’opposent des sanctions économiques qu’ils apprécient beaucoup moins. Poussées à l’extrême, ces deux logiques sont source de turbulences que la volatilité financière reflète fidèlement.

Jacques Raemy

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